La fête aurait dû être belle. Mais…

Ce lundi 23 avril au matin, comme l’a tweeté mon ami Alexandre Tuaillon (tout animateur clé de la campagne de Hollande sur Montreuil qu’il soit), je me réveille avec la gueule de bois bien que je me sois couché à jeun. Pourtant, hier soir, lorsque les résultats du premier tour de l’élection présidentielles sont tombés, nous avions tout pour faire la fête. Avec plus de 11 %, le Front de Gauche créait l’événement politique. Ce n’est aucunement de la méthode Couet de le dire.

Revenons en arrière, en juin 2011, lorsque nos camarades du PCF ont voté en faveur de Jean-Luc Mélenchon comme candidat du Front de Gauche. A l’époque, un score à deux chiffres constituait un objectif en soi, ne l’oublions pas. Nous savions d’où nous venions. Notre gauche avait été bien mise à mal, ses divisions l’atomisaient en multiples groupuscules aux antagonismes souvent violents. Nos paroles, bien que souvent convergentes, en devenaient inaudibles. Les ouvriers, les militants syndicaux, les jeunes, celles et ceux qui avaient cru en la dynamique unitaire des collectifs antilibéraux pendant et après le référendum sur le traité constitutionnel européen… ne nous entendaient plus, entre déception et méfiance. La création du Front de Gauche entre 2008 et 2009 a commencé à dessiner la perspective.

Nous avons réussi à la rendre crédible en faisant des pas les uns vers les autres. Nous avons travaillé ; expliqué notre démarche ; fait de la pédagogie sur le contexte économique social et politique ; élaboré notre programme et l’avons enrichi encore avec nos assemblées citoyennes. Notre campagne des présidentielles a permis de donner une caisse de résonance sans commune mesure à nos propositions et à nos analyses. Souvenons-nous, comme le fait François Delapierre, directeur de campagne de Jean-Luc :

« Nous avons connu une progression fulgurante. Nous sommes la force politique qui a démarré à 3 % dans les sondages et avait fait 6 % aux régionales pour finalement faire le double au premier tour de la présidentielle. Nous sommes la force ascendante. »

Dita Von Teese au meeting de la porte de Versailles (private joke)

Nous avons remis le peuple au cœur de l’agenda politique. Nous avons imposé nos idées dans le débat, au point que plus d’une a été reprise par les candidats de l’ordre établi. Chacun de nos meetings a été une réussite que la plupart nous envie. Nous n’avons pas à rougir : nous avons vraiment fait la meilleure campagne. Et ce lendemain de scrutin, la plupart des observateurs concèdent que le score du Front de Gauche est bien plus qu’honorable. Dans le champ d’une gauche autrefois atomisée, il constitue une sacrée surprise. Clémentine Autain ne dit pas autre chose :

« On avait des projections très audacieuses dans ce qu’on espérait. L’enthousiasme autour de notre campagne et l’affluence dans les meetings nous ont fait rêver à des scores qui ne correspondent pas encore à la réalité du pays… Mais il y a huit mois, on aurait signé pour un score à deux chiffres ! Au début de la campagne, on jouait la survie d’une gauche radicale en France. Passer la barre des 10 %, c’est une première depuis longtemps pour la gauche de transformation sociale et écologique rassemblée. »

Cette dynamique ouvre un nouveau champ des possibles pour construire l’avenir de ce pays. Il nous reste le 6 mai, pour battre la droite ; les 10 et 17 juin pour imposer le Front de Gauche comme la force de l’alternative en France. Décidément, oui ! Tout était réuni pour que nous fassions une fête à tout casser dimanche soir. Mais, cette fête, nous sommes nombreux à ne pas l’avoir faite.

Malgré ce que nous en disions, nous avons été nombreux à croire – avec toute l’irrationalité que porte ce terme – dans les sondages qui nous donnaient hauts et parfois (dans le fond, ils n’ont pas été si nombreux bien que nous les ayons mis en avant) devant le F-Haine. C’était enthousiasmant de se lire à 15 % et cela confortait ce que nous vivions sur le terrain, à notre échelle individuelle. Nous avons bien volontiers oublié que nous ne sommes pas présents partout et pas toujours avec la même énergie. Alors, nous avons envoyé nos belles analyses sur le caractère biaisé des enquêtes d’opinion, leur vacuité encore prouvée, pour y voir des prophéties auxquelles nous avons donné caractère autoréalisateur. Moi même j’ai cédé à cette tentation.

Nous avons aussi pris en pleine gueule le score de l’héritière de Montretout. Parce que nous sommes ainsi, que nous n’avons pas le nombrilisme politique qui nous amènerait à focaliser sur notre propre petite personne, nous avons été abasourdis par ces 20 % puis ces 18 %, pour finir autour de 17 % offerts par Sarkozy à la candidate de la haine et du renoncement. En toute conscience, dans une stratégie au cynisme assumé, Nicolas le petit a fait la campagne de Marine Le Pen. Nous avons donc été dans l’impossibilité d’afficher le sourire de ceux qui sont contents d’eux-mêmes parce que les résultats confortent une position qu’ils n’osaient espérer il y a quelques mois encore.

Dans le fond, je trouve cette « gueule de bois » salutaire. Elle prouve que nous ne faisons pas de la politique comme les autres avec le nez rivé sur nos petits intérêts partidaires mais bien avec la vision globale du monde tel qu’il va ou ne va pas. Dès ce soir, nous repartirons donc sur le terrain, sur les marchés, à la porte des entreprises, avec notre verbe et notre conscience. Nous serons à l’avant-garde du combat face à l’alliance de facto entre l’UMP et le F-Haine. Pour les battre le 6 mai prochain. Et, peut-être que, finalement, le 17 juin au soir nous pourrons enfin la faire cette fête.

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Bonus vidéo : The Pogues « Fiesta »

À propos de Nathanaël Uhl

Journaliste politique, passionné de musiques, supporter de l'Olympique de Marseille et du Liverpool FC, grand amateur de littérature et notamment de polar. Mon blog est aussi un hommage au journal "Le Cri du peuple" créé par Jules Vallès pendant la Commune de Paris. Voir tous les articles par Nathanaël Uhl

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